Le moulin et la minoterie dans les années 30.
Le moulin et la minoterie dans les années 30.

Pendant le XIX° siècle de nombreux moulins fariniers sont construits près des écluses du canal du Midi. Lors de la seconde moitié du siècle, Lespinasse va posséder son moulin.

 


 

Le principe d’alimentation est simple : un canal de dérivation creusé parallèlement à l’écluse permet de bénéficier d’un débit d’eau suffisamment important pour générer une force hydraulique.

 

A la fin du XIX° siècle (1865-1875) lors de son édification, le bâtiment est d’une dimension bien inférieure à celui que vous pouvez découvrir aujourd’hui. Il présente une forme rectangulaire avec une toiture à deux pans.

Au début du XX° siècle, il double sa capacité avec l’apport d’une minoterie.

Une statue religieuse en fonte, représentant l’apôtre St Jean revêtu d’une simple peau de bête (mouton vraisemblablement…) symbolisant un « semeur » est exposée sur le haut de l’édifice, côté rue. Son bras droit «  protecteur » tendu vers la plaine céréalière du nord du village.

Le moulin possède également sa porcherie. C’est une situation courante, à cette époque, le blé, la farine sont l’alimentation principale des porcins et des animaux de basse-cour. Le bâtiment a aujourd’hui disparu. Il était situé au sud, proche du canal, à peu de distance du moulin.

 

A l’origine le canal est utilisé pour le transport des céréales de la région, du bois, matériaux divers… Hélas dès 1860, il est rapidement concurrencé par la ligne de chemin de fer Bordeaux-Toulouse-Narbonne construite par les frères Emile et Isaac Pereire, banquiers à Bordeaux. Ils obtiennent la concession du canal de Garonne, ils créent alors la Compagnie des Chemins de Fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne dont le siège est 15, place Vendôme à PARIS.

 

Dès la fin du XIX° siècle , jusqu’à l’aube du XX° siècle, ce sont Léon Hervéra et son associé Toulousain qui dirigent le moulin de Saint Jean. Le canal étant de moins en moins utilisé pour le transport, l’approvisionnement en blé et les livraisons de farine se font par des rotations incessantes de Charretons à un ou à deux chevaux ou mulets. C’est ainsi que la petite paysannerie de la région livre et vend son blé au moulin. Un à deux charretons, assurent les livraisons aux boulangers de la région jusqu’au cœur de la ville rose.

Dans les années qui suivent la grande guerre, c’est André, le fils de Léon Hervera qui reprend l’affaire avec sa sœur Simone Lauzel. Les livraisons se font à présent en camion et durant de longues années c’est un Berliet qui est utilisé pour des approvisionnements plus rapides. Deux moyennes turbines modernes sont installées pour apporter plus d’énergie à l’établissement.

Deux, trois, parfois quatre ouvriers meuniers participent à l’activité du moulin. Des noms reviennent en mémoire : Colinet ou encore « le père Lavigne », personnage hors d’âge, rugueux, robuste, respecté de tous et estimé de son patron, même si parfois il hausse le ton… Son dos usé par tant d’années de ports de balles (sacs) de 100 kilos de farine et de blé, ne l’empêche pas d’être toujours besogneux…

Régulièrement des femmes du village, poussant leur brouette en bois, se dirigent vers le moulin pour quelques sous. Elles repartent ensuite chargées de dizaines de balles de coton décousues ou déchirées, trouées, usées, qu’elles vont recoudre, rapiécer, à la maison. Faire durer les choses, réparer, réutiliser, encore et encore c’était comme cela en ce temps là.

Pendant la guerre de 1939-45, malgré les difficultés, Léon Hervéra, Lespinassois courageux, infatigable, continua à alimenter les boulangeries de la région pour nourrir la population soumise au rationnement. Rendre des petits services aux gens du village était courant en ces temps d’occupation allemande. Ces derniers n’hésitaient pas à venir « se servir gratuitement » en dizaine de balles de farine réquisitionnées… En secret, les femmes et les hommes de la Résistance bénéficient de l’aide du moulin…

En 1960, Pierre Albus rentre à la minoterie. Il exerce une dizaine d’années avant de créer avec son frère une menuiserie-ébénisterie. Le travail est pénible : le moulin tourne jour et nuit, avec le principe des 3/8, 24 heures sur 24, sept jours sur sept…

Le soir, l’ouvrier meunier est seul pour dompter le grand moulin. Une fois la grande porte fermée, laissant la nuit noire derrière lui, il pénètre dans un univers nimbé de lumière pâle. Le vacarme envahit son corps, la poussière farineuse est partout, bruit incessant de la violence de l’eau qui s’engouffre dans les turbines, grondement des huit rouleaux d’acier, claquement incessant d’une multitude de courroies en cuir qui s’entremêlent, hurlement des dizaines de poulies, grincement des tamis, sifflement des ventilateurs… pas de repos, il doit surveiller, maîtriser, sans cesse effectuer des réglages, calages, retendre, resserrer. Si une courroie casse dans un claquement violent ou s’échappe d’une poulie, il faut tout arrêter, vite réparer, et relancer sans tarder pour maintenir la cadence… jusqu’aux premières lueurs de l’aube.

A la fin des années 70, début des années 80, il est racheté avec son « droit de moulure » par « Sainte Christie », une coopérative céréalière du Gers. Il cesse alors de fonctionner et durant plusieurs années le bâtiment servira pour le stockage des farines à destination des clients boulangers de la région nord-Toulousaine.

En 1989, il est racheté par un particulier qui aménage une puissante turbine génératrice d’électricité. Une quinzaine d’années plus tard, deux investisseurs se portent acquéreurs du moulin de St Jean avec l’ambition de réaliser un projet immobilier et de poursuivre la production écologique d’énergie initié par les deux précédents propriétaires.

Aujourd’hui, la crise économique et immobilière perturbe la réalisation du projet et l’aspect extérieur de l’imposante bâtisse continue de se dégrader mettant en péril sa pérennité.

Depuis quelques mois le moulin a changé de propriétaire. Celui-ci s’emploie actuellement à le préserver en effectuant des réparations intérieures, extérieurs dans l’attente d’une réalisation immobilière.

 

Remerciements aux propriétaires successifs et aux familles Hervéra, Racca, Albus de Lespinasse ainsi qu’à l’éclusier Mr Béteille.

 

 

Le moulin et la minoterie dans les années 30.
Le moulin et la minoterie dans les années 30.
Plan du moulin avec rajout d'une marquise.
Plan du moulin avec rajout d'une marquise.
Le moulin en 1934 avec Maurice LAUZEL.
Le moulin en 1934 avec Maurice LAUZEL.
Le moulin.
Le moulin.
Vue sur le Canal de Garonne avec la présence du moulin en 2009.
Vue sur le Canal de Garonne avec la présence du moulin en 2009.
Incendie du 4 Décembre 2012.
Incendie du 4 Décembre 2012.
Esquisse réalisée par Christiane MICHEL en 1986
Esquisse réalisée par Christiane MICHEL en 1986
La statue de Saint Jean.
La statue de Saint Jean.

La statue de l’apôtre St Jean conservée par le propriétaire est actuellement retirée de l’alcove de la façade du moulin, afin de la préserver de l’usure du temps et des intentions malhonnêtes.

 

Cette magnifique pièce coulée en fonte à la fin du XIX° siècle, pesant une quarantaine de kilos, haute de quatre vingt dix centimètres, protège encore aujourd’hui le village.

 


De la fin du XIX° siècle jusqu’au milieu du XX° siècle, la fête de la Saint-Jean donnait lieu à des animations villageoises devant la statue, au pied du vieux moulin. Le «  Père Lavigne » ne manquait jamais cette occasion pour gravir la cime du toit afin de déposer une « gerbe de blé » au pied du Saint. A la cérémonie religieuse que présidait le Curé de la Paroisse, succédait les festivités de quartier, où les cris des enfants se mêlaient aux agitations joyeuses des familles réunies pour l’occasion…


Aujourd’hui, la tradition perdure mais d’une autre façon. La population est conviée chaque année autour du feu de la St Jean préparé lors de la fête locale par le Comité des fêtes et la soirée est ensuite ponctuée par un superbe feu d’artifice qui se reflète dans le lac du Bocage.

La statue de Saint Jean trônait sur le toit  du moulin.
La statue de Saint Jean trônait sur le toit du moulin.
La statue de Saint Jean tenait dans sa main droite des épis de blé.
La statue de Saint Jean tenait dans sa main droite des épis de blé.