Cet édifice du milieu du XIX° siècle (Propriété privée) est situé dans l’agglomération de LESPINASSE, sur la droite, une centaine de mètres après avoir emprunté le chemin de Beldou, en direction de St Jory. Cette tour est fièrement installée sur la parcelle B466, dans le quartier dit « Laubardière », propriété en son temps de Philippe Duffourc, propriétaire et Maire de la commune de Lespinasse (Elu de 1832 à 1841 puis de 1848 à 1870, soit une trentaine d’années en tant que premier magistrat de notre village).

 

Celui-ci était le principal propriétaire de la commune, notamment du côté des Vitarelles, à l’est de la RD 820 (Ex RN 20–Route de Paris) ainsi que du champ de Saint-Jean, côté ouest. Mr Philippe Duffourc disposait également de propriétés à Bruguières, Fenouillet, Saint-Alban, Gagnac et Toulouse. Il était également propriétaire d’une petite briqueterie à Lespinasse.

Philippe Duffourc est né à Toulouse le 1er Floréal an 13 ( 21 avril 1805 ) sous le premier empire, fils de Guillaume Duffourc, médecin et de Jeanne Marie Marguerite Binos, mariés et habitants Toulouse, rue des Cuves (?). Il est décédé le 13 juillet 1878 à Lespinasse. Il avait épousé à une date inconnue, Jeanne Marie Léontine Binos, née à Fenouillet vers 1824, fille d’Alexandre Binos et de Rose Lasserre, décédée le 3 janvier 1886.

Le père de Philippe était un notable Toulousain, Docteur en Médecine, membre de la société savantes, professeur à l’Ecole secondaire de Médecine.

 

LE MOULIN A VENT :

 

La Tour qui subsiste aujourd’hui est visible sur différentes cartes IGN. Sur la carte d’état Major, le site est indiqué « moulin à vent », tout comme le moulin à vent de Binos, route de Gagnac, aujourd’hui disparu.

L’édifice fut construit en maçonnerie brique et mortier-chaux vers 1841, soit une vingtaine d’années avant le début de l’édification du moulin de St Jean (situé face à l’écluse N°4 de Lespinasse) également réalisé par Philippe Duffourc , en association avec son beau-frère Binos.

 

Monsieur Duffourc Philippe, maire de Lespinasse et grand partisan des irrigations, a commencé en 1841 à élever les eaux d’un puits au moyen d’un moulin à vent, mettant en mouvement une chaine à godets. Son puits était creusé dans le lit de cailloux aquifère, inférieur au sol généralement perméable de la vallée en aval de Toulouse, et situé dans sa propriété près de Lespinasse, à 13 kilomètres de Toulouse, près du canal de Garonne (Canal Latéral).

Lorsque le moulin marchait d’une manière continue et régulière pendant une journée entière (ce qui était rare), on observait un abaissement de 0,20 m à 0,2 5m dans les puits d’alentour, l’abaissement s’arrêtait à ce niveau, quelque fût ensuite la quantité d’eau enlevée. L’inconvénient de son moulin était d’amener l’eau à 6 à 8 mètres de hauteur au-dessus du sol ; cependant par un bon vent, le nombre de tours était de 15 par minute, et il vidait six godets de 20 litres par tour, ce qui donnait 1,80m/cube par minutes ou 30 litres par seconde. L’action du vent dans notre région est très irrégulier. L’usage de cette eau ainsi puisée était utilisé pour l’irrigation d’un jardin d’un hectare, de quelques petites pièces en prairie naturelles et en pépinières.

Monsieur Duffourc dut y renoncer parce que durant l’été, dans le mois d’août surtout, le vent soufflait rarement avec assez de force pour mettre le moulin en mouvement d’une manière utile et que la quantité d’eau était rendue insuffisante par la grande perméabilité du sol et par une évaporation toujours considérable.

Le Canal latéral ayant été concédé à la Compagnie des chemins de fers du Midi, des concessions d’eau furent demandées par différents propriétaires. En attendant la régularisation de ces concessions, Monsieur Duffourc a été autorisé à placer un siphon sur la digue du canal qui débitait environ 10 litres seconde et eu égard à la perméabilité du sol et au genre d’irrigation qu’il a adopté pour les prairies (par immersion), il a établi un réservoir qui n’avait pas encore fonctionné en 1855 et qui doit contenir de 6 à 8 mille mètres cubes d’eau.

Le réservoir destiné à stoker l’eau a été réalisé par Monsieur Duffourc Philippe vraisemblablement à la même période que le moulin vent. Celui était de grande dimension comme nous pouvons le découvrir sur une carte de Lespinasse réalisée vers 1860-1870. Celui-ci a aujourd’hui complètement disparu.

Début 1887 ( souvenez-vous que Duffourc, Philippe est décédé en 1878 )dans sa succession (3E38904) Léontine , née Binos a vendu en 1885 à Monsieur Jouglar ( personnage que l’on retrouvera plus tard dans l’histoire du moulin de St Jean) :

  •  Une vaste prairie et trois lopins de terre contigus.

 

  •  Une grande écurie, à l’angle de la prairie.

 

  •  Le bâtiment d’un ancien moulin sis sans la dite prairie ( celui qui nous concerne).

 

  •  Un bassin sis au milieu de la dite prairie et servant de réservoir pour l’irrigation soit pour la prairie soit pour les propriétés restantes à la vendeuse Léontine Duffourc , née Binos.
  • Un petit chalet situé au centre du sus-dit bassin.

 

 

MODES ET RESULTATS DE L ‘ARROSAGE :

 

Les arrosages ont commencé au mois de mai 1854 et quoique l’expérience soit récente, les résultats cependant permettent de conclure.…

 

Pour l’irrigation des prairies naturelles et des luzernes, Monsieur Duffourc forme des carrés de 10 ares chacun, nivelés au niveau d’eau, et entourés d’un bourrelet en terre bien battue (travail identique aux cultures réalisées en Afrique du Nord ou dans les zones semi désertiques de par le monde.. Afrique, indonésie, Amérique du Sud…) de 0.30m de largeur en tête sur 0.20m de hauteur. Chaque carré est arrosé avec cent mètres cubes si la perméabilité du sol le permet, cette perméabilité qui est très grande en commençant, diminue ensuite et la prise d’eau de 10 litres secondes est ordinairement suffisante pour couvrir toute la surface en trois heures. C’est pour diminuer le temps et rendre l’immersion uniforme que Monsieur Duffourc a construit un réservoir.

En 1854 , il a arrosé, en outre , des luzernes, des trèfles, du maïs, du Sorgho (millet à balai), des pommes de terre et des plantes potagères. Les luzernes ont donné 5 coupes au lieu de 3, les trèfles 3 coupes au lieu d’une, le maïs et les pommes de terre, une récolte double, le millet à balai a produit des tiges de 4 mètres de hauteur, des panicules de 0,50 et 0,30 hectolitres de graines par hectare, les pois, les haricots et les plantes potagères ont donné d’abondantes récoltes et d’excellente qualité. Toutes ces plantes avaient été semées en ligne espacées de 70 centimètres environ, les rigoles étaient creusées entre les lignes, et l’arrosement se faisait par inhibition et par filtration latérale.

Monsieur Duffourc augmente constamment ses prairies , dès que la graine est couverte par la herse et le rouleau, l’arrosage commence et se renouvelle de 10 jours en 10 jours avec une lame d’eau de 10 centimètres environ. Les prairies naturelles semées pendant l’été et l’automne de 1854, ont été fauchées du 20 au 31 mai 1855 et ont présenté une masse d’herbe épaisse et bien fournie en graminées et légumineuses de 0,80m à 1m de hauteur. Le produit a été de 750 grammes de foin sec par mètre carré, ce qui produit 7500 kilos par hectare et 15.000 kilos pour deux coupes (Il tient certainement compte du regain ).

 

 

Ce moulin insolite, voir unique n’avait il y a encore quelques mois jamais dévoilé son type de fonctionnement.

Durant l’automne 2011, avec l’aimable autorisation des propriétaires, accompagnés de deux membres de l’association des Amis des Moulins du Midi-Toulousain nous nous hissons au sommet de l’édifice.

Un examen précis nous éclaire partiellement sur son fonctionnement. En son sommet nous découvrons un canalet circulaire profond d’une trentaine de centimètres dans lequel nous retrouvons en son milieu un tuyau en argile cuite de 8 cm de diamètre. Celui-ci (voir croquis) émerge jusqu’ aux 2/3 supérieur du milieu du canalet et joue le rôle de « trop-plein ». Nous retrouvons également un second orifice (diamètre de 8 à 10 cm) au fond du dit canalet. Ce trou situé au fond de celui-ci, permettait à l’eau de s’introduire au milieu du mur de la tour pour réapparaître 6,50 mètres plus bas dans une gouttière se dirigeant vers le grand réservoir...

Sur les parois circulaires de l’intérieur nous retrouvons de petites cavités de forme carrés qui étaient destinées à recevoir des charpentes en bois. Après plusieurs lectures il apparaît indéniablement qu’il existait un escalier en bois prenant naissance à la base du moulin (niveau de la grande ouverture) pour ensuite gravir en circulaire vers la partie supérieure. Une plate-forme en bois existait au niveau supérieur…..

Cette structure bois permettait à une personne d’accéder au mécanisme supérieur de la noria et d’en assurer son entretien ainsi que de celui de la charpente, la toiture et machinerie axe-ailes du moulin…..

Nous n’avons pas retrouvé le mécanisme, chaîne, godets, morceaux de charpente…

Dans le futur il serait intéressant de descendre au fond du puits afin de remonter les quelques vestiges bois et éléments métalliques s’y trouvant toujours… ? Il apparaît vraisemblable que lors du démontage de l’installation des éléments sont tombés dans le fond…

En résumé, ce moulin à vent actionnait une « noria » qui à l’aide de ses godets élevait l’eau puisée au fond du puits jusqu’à sept ou huit mètres de haut pour la verser dans le canalet. L’eau ainsi déposée descendait rapidement jusqu’aux pieds du moulin pour se diriger rapidement dans le grand réservoir par la gouttière.

 

 

Sources : -Cadastre - Actes notariés .Archives départementales Haute-Garonne à Toulouse –Archives VNF ( voies navigables de France )à Toulouse. Ronna .a Les irrigations T.1 Les eaux d’irrigations et les machines , Paris , Firmin Didot, 1888.p657 ( gallica). Maitrot de Varenne F Hydraulique agricole et dessèchement dans le département de la Haute-Garonne, Paris V. Dalmont 1857 , PP 388-391.

            

 

Nos travaux de recherches , investigations, recueils d’informations , collecte de renseignements croquis, dessins, photographies, cartes postales se poursuivent.

 

Tous nos remerciements aux propriétaires du Moulin pour leur aimable accueil. Remerciements également à Etienne Rogier et à l’association des Amis des Moulins du Midi-Toulousain.

            

Si des lectrices, lecteurs peuvent apporter « de l’eau au moulin » (sourire) ou si vous souhaitez des informations complémentaires prenez contact avec Jean-Jacques Druaux.

Gravure imprimée  vers 1850 ou 1860 (gravé et imprimé par Régnier et Dourdet 8 passage Ste Marie ( rue du Bac) à PARIS) du village de Lespinasse avec mise en évidence du grand bassin disparu.
Gravure imprimée vers 1850 ou 1860 (gravé et imprimé par Régnier et Dourdet 8 passage Ste Marie ( rue du Bac) à PARIS) du village de Lespinasse avec mise en évidence du grand bassin disparu.
Croquis 1
Croquis 1
Croquis 2
Croquis 2